Les statistiques révèlent que le niveau de collecte nette des SCPI a connu une baisse d’environ 19% au cours de l’année écoulée. Et selon les prévisions de l’IEIF, le même scénario pourrait se reproduire cette année, et cela en dépit du fait que le niveau de souscriptions effectuées auprès de la plupart des sociétés françaises de gestion d’actifs immobiliers connaisse une embellie depuis janvier 2019. Explication.
Une prédiction basée sur le lien entre les agrégats économiques et le niveau de collecte
Le recul de la collecte nette des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) était surtout très perceptible chez les SCPI d’entreprise. En effet, après avoir rassemblé un fonds global de 6,1 milliards d’euros en 2017, elles n’ont pu réaliser que 5 milliards d’euros de collecte en 2018. Plusieurs thèses ont été avancées pour expliquer ce phénomène, à savoir le ras-le-bol fiscal des épargnants, la prudence des assureurs face aux actifs immobiliers, la volonté d’une majeure partie des sociétés de gestion immobilière à ajuster le niveau de leur collecte afin de mieux réguler leur capacité d’investissement…bref, autant de facteurs micro-économiques de nature à influencer grandement le secteur immobilier français dans un univers économique incertain.
De son côté, pour élucider ce «mystère», l’IEIF (Institut de l’épargne immobilière et foncière) n’a pas hésité à s’appuyer sur cette innovante branche de la science économique qu’est l’économétrie. Cette discipline est en effet la mieux à même d’expliquer les causes possibles de cette tendance à la baisse de la collecte des SCPI. Elle peut également établir de précises prévisions, en l’occurrence pour le reste de cette année 2019. Ce faisant, l’IEIF a tenté de chercher le lien entre la variation de quelques agrégats économiques et le niveau de collecte des SCPI. L’Institut a ainsi pu identifier que trois indicateurs économiques présentent une assez significative corrélation avec l’évolution globale des souscriptions. Ce sont le prix de l’immobilier, le rendement des SCPI et la croissance du PIB en volume.
Un taux de corrélation assez faible
L’évolution du premier indicateur sélectionné, c’est-à-dire le prix immobilier, rend très sensible le comportement des investisseurs individuels. Le fait est qu’en cas d’anticipation de hausse immobilière, ils seront plus enclins à valoriser leur capital, c’est-à-dire à investir. Quant au second indicateur, le rendement des SCPI, il a été implémenté avec la prime de risque. À noter que cette dernière est mesurée par l’écart de rendement des SCPI et des autres placements sans risque tels que les actifs obligataires. L’analyse révèle que la corrélation entre la prime de risque (dont le niveau est très élevé ces deux dernières années) et la collecte des SCPI serait de 40%. Cela dit, en termes de corrélation de Pearson, cette relation est modérément positive. Statistiquement, un tel résultat s’explique parfois par une asymétrie d’information, c’est-à-dire l’absence des facteurs de nature à aider les épargnants à savoir suivre l’évolution du rendement des actifs sur lesquels ils envisagent d’investir. Oui, malgré les efforts déployés par les conseillers en gestion de patrimoine à expliciter les enjeux de tel ou tel placement, certains investisseurs ont encore du mal à les cerner, ce qui rigidifie leur fonction de réponse.
Le troisième indicateur étudié est la croissance annuelle du PIB en volume. Cet agrégat est le reflet idéal du niveau de revenu disponible des ménages. En d’autres mots, il s’agit de l’un des meilleurs moyens de mesurer l’épargne globale des particuliers. En tout cas ici, l’IEIF a encore basé son analyse sur un modèle dynamique qui a fait ressortir un taux de corrélation encore plus faible, de l’ordre de 31%. Mais en combinant ces trois indicateurs sur la base des données étalées sur 28 ans (1990-2018), l’Institut est arrivé à établir un modèle de régression expliquant 75% de la progression de la collecte des SCPI. Celle-ci est corrélée à 53% avec l’indice EDHEC IEIF SCPI.
Un nouveau repli de la collecte très probable pour cette année
Pour rendre son analyse plus pertinente, l’IEIF est parti sur des hypothèses plutôt conservatrices, surtout en ce qui concerne l’évolution des différents indicateurs économiques de cette année 2019. Ainsi, en tenant compte des données expost de l’Insee, des prévisions établies par la loi de finances de cette année (croissance du PIB de l’ordre de 1,7% contre 1,5% en 2018, taux des OAT à 10 ans stabilisé à – 0,7%), le rendement global des SCPI (4,3%) et la faible variation des prix de l’immobilier, le modèle IEIF table sur une nouvelle évolution négative de la collecte des SCPI cette année. Selon les résultats estimatifs de ce modèle, la baisse serait encore de l’ordre de 20%.
Mais selon Pierre Schoeffler, Conseiller du président de la société de gestion «La Française» et senior advisor de l’IEIF, ce n’est qu’une simple prévision. D’ailleurs, elle affiche une incertitude de l’ordre de 8%, soit un écart de collecte d’environ 320 millions d’euros. En revanche, si cette prévision s’avérait exacte, le niveau de collecte de 2019 sera équivalent à son niveau de 2015, soit 4 milliards d’euros. Pour l’heure, ce scénario reste cohérent au vu des collectes 2016 et 2017 qui étaient en grande partie considérées comme exceptionnelles. Justement, à cette époque, la collecte des SCPI a été boostée par les effets d’une politique monétaire très incitative appliquée par la BCE. En plus, fin 2015, les taux d’intérêt étaient presque nuls.
Le contexte économique actuel joue toujours en faveur de la collecte des SCPI
Il faut reconnaître que contrairement à ce qui s’est produit il y a deux ou trois ans, les flux d’investissement adressés aux SCPI ne bénéficient plus d’un contexte monétaire accommodant. Mais quoi qu’il en soit, la France et les autres pays européens dans lesquels est implantée une partie du patrimoine des SCPI affichent une perspective économique favorable à la relance des collectes. D’ailleurs, la croissance de l’économie réelle est l’un des moteurs du progrès des revenus des ménages. Qui plus est, les efforts fournis par l’État dans l’optimisation des retraites, l’actuelle performance du secteur immobilier, la mise en place d’un dispositif de protection contre l’inflation, l’amélioration des valeurs locatives dans certaines régions de la France ainsi que le lancement des grands projets d’aménagement territorial…sont autant de facteurs qui laissent présager une grande reprise du niveau des souscriptions. Les signes se font déjà sentir depuis le début de cette année.